Le Printemps des poètes à Tordouet

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De l’or au moulin

Et puis
entre nos doigts,
entre nos doutes,
la mélodie,
la mélopée
de chaque nuit,
chaque jour qui se joue
et tourne autour,
avec ses variations,
ses dissonances,
ses couacs,
et tourne autour
de nos coeurs, sans qu’on sache
en égrainer toujours	     les plus délicats des arpèges.

  Et puis
on ne va pas
trop se mentir,
ni même
se raconter d’énormes
histoires
à propos de celle qui forme
	la nôtre :
banalement l’humour,
les baisers, les caresses,
ça va, ça vient
quelquefois comme
apporter un dièse – 
ou de l’air,
ou de l’or au moulin – 
	   à maints désaccords de l’amour.
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Philippe Soupault

320 p – Poésie/Gallimard

Horizon

                      à Tristan Tzara


Toute la ville est entrée dans ma chambre
les arbres disparaissaient
et le soir s'attache à mes doigts
Les maisons deviennent des transatlantiques
le bruit de la mer est monté jusqu'à moi
Nous arriverons dans deux jours au Congo
j'ai franchi l'Equateur et le Tropique du Capricorne
je sais qu'il y a des collines innombrables
Notre-Dame cache le Gaurisankar et les aurores boréales
la nuit tombe goutte à goutte
j'attends les heures

Donnez-moi cette citronnade et la dernière cigarette
je reviendrai à Paris

                        Extrait de Rose des vents (1919)



Bagarres


Je me bats le jour je me bats la nuit
batailles contre la mélancolie
cette vieille pieuvre toujours éveillée
qui me guette au coin des années
au coin des rues et des souvenirs
et lance son refrain mourir
alors que je veux vivre mille fois
que je veux aimer que je veux la joie
qu'il est temps enfin d'espérer
temps de croire temps de respirer

Je porte une flamme dans mon coeur
elle brûle c'est mon enfant ma soeur
c'est la vie qui sourit qui murmure
c'est le temps qui fuit pour que dure
le grand incendie toute la vie
sans remords sans mélancolie
dans l'univers qu'ont créé
les rêves et toute la vérité
seule vérité ma vérité lumière
pour aujourd'hui demain hier


                   Extrait de L'Arme secrète (1944-1946)



Anniversaire

                 pour Ré.


Je voudrais te donner 
une couronne
constellée de toutes les étoiles
du firmament
Je voudrais te donner
les chants des rossignols
de toute la terre
Je voudrais te donner
les silences de l'hiver
les sourires du printemps
les clartés de l'été
les flammes de l'automne
Je voudrais te donner
tout ce que je n'ai pas pu
pas su
te donner
ma vie
notre éternité

                          29 octobre 1981.


                  Extrait de Poèmes retrouvés


							
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La Payse

L’évoquer ou y faire allusion au détour d’un échange, d’une conversation, n’était pas chose rare.

D’elle, que tout le monde, au village, avait coutume d’appeler l’insaisissable Payse, on ne savait rien. Et on n’était pas du genre, ici, à chercher midi ou minuit à une autre heure.

Cependant, c’était toujours (racontait-on) entre chien et loup qu’elle apparaissait et traversait – démarche fluide, presque flottante – la rue Gustave Doré, avant de pénétrer, s’engouffrer dans le bois tout proche.

Une seule fois, un homme a prétendu l’avoir suivie jusqu’au bord de la rivière, en contrebas de celui-ci, et l’aurait vue plonger toute nue, sans bruit aucun, et rejaillir, resurgir aussitôt, sous la forme d’un fin oiseau phosphorescent…

Paraît-il qu’il n’en revient toujours pas… dans l’unité fermée de l’hôpital où il séjourne encore.

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OUPOLI

A lire, parmi plein d’autres choses, 2 de mes poèmes sur le site OUPOLI (OUvroir de POésie LIbre), juste

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Dissylà

J’irai,
te dis-je,
après
que l’aube
aura 
pointé
le bout
de sa
lueur,
tout près
du soir…

J’irai,
te dis-je,
dès lors
qu’au moins
dix mille
ampoules
auront
des dents
pour prendre
un arc
au ciel…

J’irai,
te dis-je,
quand la
faucheuse
aura 
rendu,
de guerre
trop lasse,
sa lame
à Dieu
sait quoi…


J’irai,
te dis-je,
peut-être
jadis,
si gèle
le temps
qui bout,
au bal
cosmique  –

mais où,
au fait ?
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Quartier libre

		     à Bertrand.





Vent frais    dorénavant
dans le dos.

Une foulée, une autre.
Un bruit. Un rythme :

ton souffle régulier
qui court à mes côtés.

(Et puis
quoi d’autre?)

Au loin,
à bâbord du chemin

parfois boueux que nos efforts
forent,

en bordure d’un champ,
des nuées d’étourneaux

sur un arbre tout nu
qu’on dirait croulant sous leurs cris…

Et puis
voilà

que tout à coup
un mot, un autre,

et, allez donc savoir pourquoi,
une page à la place du ciel gris

à travers laquelle il faut que je cherche
des liens,      des affinités qui n’existeront

jamais
entre ailes.
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Wam ! n°8

96 p – 10 € (port gratuit) –  Pour commander Robert Roman* – 7, rue des gardénias – 31100 Toulouse (chèque à l’ordre de Robert Roman)

Edito de Robert Roman pour ce n° très spécial :

« J’ai demandé aux auteurs et autrices qui ont été publié.e.s dans la revue (et certains autres) d’écrire leur épitaphe. Juste pour le fun poétique, pour de faux, pas pour mettre sur sa tombe ou pourquoi pas. Oui, écrire un dernier petit poème comme si nous allions mourir ; une dernière déclaration intime, peut-être un résumé de notre vie ; un dernier message laissé à ceux qui restent. Un moment de paix ou pas. Je suis venu, j’ai vu, j’ai vécu bien ou mal ; les deux. Une ultime révérence ou un règlement de compte. Poétique, décalé, original.

Patrice Blanc, poète surréaliste de Taverny, appelle cela : « Un manifeste artistique posthume ».

Ils et elles ont joué le jeu. Je les en remercie.

Voici leurs contributions. « 

     Au sommaire de ce n° : 

Milène Tournier - Patrick Oustric - Eric Barbier - Râjel - Guillaume Decourt - Hélène Miguet - Julien Boutreux - Philippe Pissier - Walter Ruhlmann - Flora Delalande - Patrice Blanc - Agnès Rigny - Antoine Dhoury - Abderrahman Benojja - Ivan de Monbrison - Amandine Gouttefarde-Rousseau - Pascal Ulrich - Fabrice Deprez - Fabrice Farre - Pierre Gondran dit Remoux - Dan Giraud - Sacha Zamka - Bruno Sourdin - Elisabeth Morcellet - Roger Lahu - Kiko - Eric Moutier - Christophe Petchanatz - Didier Trumeau - Mario Urbanet - Fabrice Marzuolo - Stéphane Casenobe - Vincent Galois - Gaston Vieujeux - Morgan Riet - Henri-Michel Polvan - Yvan Robberechts - Stéphane Mongellaz - Marc de Hay - Patrice Maltaverne - Myriam Oh - Denis Hamel - Aline Recoura - Dominique Sorrente - Gracia Bejjani - Katerine Gierak - Yazid Barroudy - Anne Barbusse - Julie Cayeux - Edouard Thalinger - Marie-Jo Lemaire - Anne-Sophie Dubosson - Joseph Pommier - Matt Mahlen - Géraldine Serbourdin - Robert Roman

Avec des images de Walter Jagueneau, Matt Mahlen, Ivan de Monbrison, Nina Imbs, Valérie Mourey, Régis Duprat



             Extraits :



Désordre de terre sèche
Le nuage entrebâille ce ciel
                           Qu'hier croyait bleu
Un corps enseveli sommairement près du sorbier
Feuillage silencieux
Nul marbre donc
Sur lequel aurait pu être lu :
Quelles ombres en partage
Accompagneront son oubli ?

                    Eric Barbier 


Je suis mort le 23 février 1964
et ce jour-là
il faisait chaud
à vomir dans un tiroir
et déjà plus rien
n'avait d'importance
hormis cette minuscule étoile
dans le ciel
qui éclairait ma conscience
maintes fois corrigée
par les faits et méfaits
de certains qui
de certains quoi
de certains comment
dans la vie même
dans la vie même
qui s'éteint
comme une locomotive de 1930

                      Pascal Ulrich (1964 - 2009)



Quatre haïkus-épitaphes bien ratés



Tumeur
et c'est moi qui clamse
y'a erreur sur la personne

*

Longtemps je suis mort de bonne heure
(mais le lendemain ça allait)
(jusqu'au dernier matin)

*

Agonisa paresseusement
du jour de sa naissance
à celui de son décès

*

Par souci de cohérence
a bien raté son épitaphe
comme son oeuvre poétique


                             Roger Lahu



Encore toutes mes dents
   Restons positifs


                     yvan Robberechts




+ une note de lecture à propos de ce n°, signée Jacques Morin, sur le site de la revue Décharge







*directeur également des éditions du contentieux dont le blog se trouve ici
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Foi

(lipogramme)

A part lui, mordillant son stylo noir, parfois marmonnait-il : « Toi, moi, nous, il y a au moins ça… Disons jadis. Puis, là, ta photo au mur, au mitan du couloir donnant sur l’huis. Ton portrait, oui, ni gai, ni tout à fait chagrin, qu’on avait agrandi alors… »

Aussi, lors d’un soir qui s’annonçait plutôt banal, insignifiant, tandis qu’il vaguait dans un flou absolu, tout à coup il lui parut ouïr tout bas maints bruits confus, puis plus fort, distinct, autour du portrait, l’ahurissant propos qui suit : « Allons donc ! Va, jouis, ris, souris ! Cours droit dans l’azur, toujours plus haut ! Itou, sans trop rougir, bois jusqu’à plus soif tout l’or doux, brûlant, autant qu’affolant, puissant, qui y gît, mais qui surtout pourra jaillir, surgir, ici ou là, du plus profond du sang ! Oh, tout ça, vois-tu, qu’à tout instant il faut saisir, par monts, par vaux, au fil d’un cri d’amour vif ! Voilà ta voix, mon fils. »

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Comme en poésie n°92

88 p – 3 € – blog de la revue, ici

Au sommaire de ce n° : Jean-Pierre Lesieur – Claude Albarède – Alain Lacouchie – Eric Dausse – Haroum Guino – Christine Laurant – David Nadeau – Eléa Etzel – Morgan Riet – Lionel Mar – Célia Bessot – Evelyne Charasse – Alexandra Anosova – Sylvain Fabre Coursac – François Audouy – Fabrice Marzuolo – Jean Chatard – Kiko – Daniel Brochard – Line Szöllösi – Victor Ozbolt – Jean-Pierre Nacher – Gaston Vieujeux – Jean-Jacques Camy – Ludovic Chaptal – Luc Aldric – Alain-Jean Macé – Ferrucio Brugnaro – Mireille Podchlebnik – Bernard Malinvaud – Joseph Sainderichin – Bruno Sourdin – Basile Rouchin – Patrick Joquel – Lucie Roger – Pierre Mironer

Extraits :



C'est lorsque nos jours trébuchent
Qu'il fait bon
Etendre notre fatigue
Devant la gratitude des bûches.

Elles sont là qui consument
Leurs forces pour notre bien
Et quand le soir s'en vient
Que se blottissent dans le fauteuil
Les songes de la nuit
Il nous semble qu'elles fument
Le calumet de la paix.

                       Bernard Malinvaud



Reflet

Selon si je m'aime
Ou si je ne m'aime pas
Ce que je vois
Aussi change d'humeur
De forme et de teinte
Sur la glace restreinte
De ma salle de bain


                        Joseph Sainderichin



De l'air

La face contre le mur
J'aime bien qu'on me réveille frénétiquement
Ah! Ah!
Ma gueule
Mon bec
Mon crâne
Mon gosier
Je ne me souviens plus des mots
Je suis trop énervé
je veux tout embraser
Sans jamais m'arrêter
A quatre pattes
A la dérive
Tête baissée
Et souliers usés
A Paris sous la tour Eiffel
Un pas de danse
A six heures du matin
Un peu de beauté est entrée dans cette vie
Soleil avide
Ça brille
Des fenêtres claquent
Miracle
On se croit poète

                          Bruno Sourdin

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