
96 p – 7 € – éd. Gros textes
Un extrait :
Le désert gagne du terrain
Un grain de sable, un seul et minuscule grain de
sable, suffit à enrayer la tranquille mécanique
des habitudes. Il y a plusieurs raisons à cela.
On en connaît déjà certaines. Il paraît aussi que
le vent orageux, parfois en ramène un jusqu'à
nous. Je veux dire : un vrai grain de sable.
Cet été, on déposera ce grain de sable
aventurier, solitaire et perdu, là où il doit être, là
d'où il vient. Notre vie devrait alors reprendre
son cours, un cours normal et sans aspérité.
... et puis un autre :
L'inconnu qui passera vous voir
Dés demain, j'entame ma tournée d'adieux.
Je saluerai la boulangère, ses fameuses
pâtisseries, l'épicier berbère, son accent
de l'Atlas, mon coiffeur, sa bonne humeur joviale
et rougeaude, la pharmacienne, lui rendant les
médicaments qui ne m'ont jamais servi, le
moniteur de l'auto-école, la fleuriste, les fidèles
du bar d'en face, les deux frangins kabyles du
Tabac, la bibliothécaire, celle qui met gentiment
mes recueils de poésie en devanture, le serveur
du restaurant, s'il daigne enfin m'apporter
l'addition, les clientes en pause-déjeuner, les
caissières de la supérette, même la plus
antipathique, sans oublier les chiens qui se
soulagent sur les trottoirs et les gras pigeons
venus picorer et chier à nos pieds. Puis j'irai
saluer un à un les trente-et-un mille et quelques
habitants restants de la ville.
Je ne veux oublier personne.