Jean-Pierre Lesieur

 
 
 
 
 
 
 
 
                                                
 
 
 
 
Suis-je poète
 
 
 
 
Suis-je poète ? Qui me le dit ? Qui me le prouve ? Je suis poète par récurrence. Les poètes me le disent après avoir lu ce que j’ai écrit, c’est tout ce qu’ils connaissent de moi. Les bonnes gens ne me disent rien car ils ne lisent pas de poésie.
          Donc ou je dis que je suis poète ou une minorité de spécialistes me le fait savoir alors que pour tous je suis un instituteur retraité. Car là est bien aussi la question comment reconnaître un poète aujourd’hui ? Quel embarras pour répondre mais peut-être que ce n’est pas intéressant de savoir.
          Donc les spécialistes lisent mes poèmes et d’article en article, de lettre en lettre, me font savoir que je suis poète (ils ne sont pas toujours d’accord entre eux). Moi je ne le sais pas. Je me dis toujours que si j’étais poète je ferai ceci ou cela, je m’habillerai comme ci ou comme ça, j’agirai comme ça ou comme ci, comme je crois que doit ré(agir), un poète.
          Donc je suis le poète non poète qui écrit comme un poète et qui vit comme un honnête homme peut-être.
 
 
 
 
 
Accusations
 
 
 
J’accusais mon passé d’un doigt malicieux
il le mit sur sa tempe
et tira…
Suicide idiot sans alibi ni mobile
balle perdue
gros tirage.
J’ai plaidé non coupable
mettez-vous à ma place.
Il fallut deux flics pour forcer ma vie
à se déclarer partie civile.
Le prétoire trop petit ne prêtait plus qu’aux riches
et aus tombés de la dernière pluie
en droite ligne des parachutes.
Les huissiers vendirent leur chaîne
aux enchères de l’injustice de palais.
Il pleuvait toujours sur Montparnasse.
On enterrait Beauvoir et tout mon passé
d’un même mouvement de pelle.
Le juge un peu borgne crachota des sentences
plus dégueulasses les unes que les autres.
J’étais lavé comme un chaudron tout neuf
et aux travaux forcés de la poésie
condamné d’un seul mot.
 
 
 
 
Extraits du recueil " L’animal poétique et ses munitions" de Jean-Pierre Lesieur* – 98 pages – 9 euros + 2 euros de frais de port
Pour se le procurer, écrire directement à l’auteur dont l’adresse est la suivante :
2149 avenue du tour du lac
40150 Hossegor
 
Chèque à l’ordre de Comme en poésie
 
 
* Né à Paris dans le Marais en 1935. Mécanicien moteur avion puis instituteur et directeur d’école.
Plusieurs recueils et plaquettes à son actif ( Manuel de survie pour un adulte inadapté, L’O.S des lettres, Le mangeur de lune, Infarct… )
Créateur, entre autres, de la revue trimestrielle " Comme en poésie" dont je vous invite – si ce n’est pas déjà fait – à découvrir le blog : http://Comme.en.poesie.over-blog.com
 

A propos Morgan Riet

Né en 1974 à Bayeux dans le Calvados. Y réside toujours. Ecrit parfois. Textes publiés dans les revues suivantes : Décharge, Comme en poésie, Cairns, Ecrit(s) du Nord, Recours au poème, Créatures, L'Air de rien, Gros Textes, Spered Gouez, Terres de femmes, Friches, L'Autobus,Wham !,La Piscine, Traction-brabant, Coup de soleil, Microbe, Terre à ciel, Poésie première, Florilège, A l'index, Le Capital des mots, Francopolis, Meteor, Touroum bouroum, Mauvaise graine, Poésie/Seine, les Nouveaux cahiers de l'Adour, Inédit Nouveau, les Tas de mots, Libelle, Ce qui reste, Fenêtre sur poésie, les Amis de Thalie, 17 secondes, l'Herbe folle, les Cahiers de poésie, les Cahiers de la rue Ventura, Verso et Paysages écrits *** Recueils et plaquettes : "Lieu cherché, chemins battus" (éd. Clapàs - 2007), "En pays disparate" (même éditeur - 2010)," Midi juste environ" (auto-édition - 2011), Du côté de Vésanie, illustré par Matt Mahlen (éd. Gros textes - 2012), ça brûle (-36° édition - 2012), "Quelque chose", photos de David Lemaresquier (éd. Les Tas de mots - 2013), "Vu de l'intérieur" , illustré par Hervé Gouzerh (éd. Donner à voir - 2013), "A fleur de poème", illustré par Matt Mahlen (même éditeur - 2016), "Sous la cognée" (éd. Voix tissées - 2017), "Chute de fiel / Sang & Diesel" (éd. Gros textes - 2018), "Du soleil, sur la pente" (éd. Voix tissées - 2019), "Suite florale" (éd. Le Cercle et le Carré – 2019), livre d’artiste tiré à 20 exemplaires composé de 15 estampes (15 artistes différents) et d’un court poème accompagnant chacune d’entre elles. "Ou serait-ce autre chose ?", image de David Lemaresquier (Christophe Chomant éditeur - 2020), "Pas par quatre chemins" illustré par Hervé Gouzerh (éd. Donner à Voir - 2021), "Toi, moi, miroir, etc." (Christophe Chomant éditeur - 2024). Ouvrages collectifs : "Visages de poésie" - tome 6 - de Jacques Basse (éd. Rafael de Surtis - 2012), "L'insurrection poétique" - collection Po&vie (éd. Corps Puce - 2015), "Perrin Langda & compagnie (Mgv2>publishing - 2015), "Arbre(s)" (éd. Donner à Voir - 2016), "Dehors, recueil sans abri" (éd. Janus -2016), Au fond des yeux #2 – Yvon Kervinio (éd. l’aventure carto – 2017), Duos – 118 jeunes poètes de langue française né(e)s à partir de 1970 – Anthologie dirigée par Lydia Padellec – Bacchanales N° 59 (Maison de la poésie Rhône-Alpes - 2018), "Jardin(s)" (éd. Donner à Voir - 2019), Nature & poésie – Bacchanales N°63 (Maison de la poésie Rhône-Alpes – 2020) et Ralentir (éd. La Chouette imprévue – 2020).
Cet article a été publié dans Mots rencontrés. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

8 commentaires pour Jean-Pierre Lesieur

  1. Philippe dit :

    je ne sais pas si c’est un poète mais j’aime bien ses "accusations"a+

  2. mu dit :

    Voilà sans doute un petit plaisir que je vais me faire à Noël… pour moi est poète celui qui crée une jubilation de l’esprit, un grésillement dans le corps et donne envie de lire (le poète et les autres)"Toute association de mots encourage son démenti, court le soupçon d’imposture – La tâche de la poésie, à travers son oeil et sur la langue de son palais, est de faire disparaître cette aliénation en la prouvant dérisoire."René CharJ’aime beaucoup ton esprit de partage poétique !Bien le bonjourMu

  3. Michel dit :

    Ton altruisme te perdra, amigo ! :-DCe poème me fait songer à notre discussion avinée d’hier soir sur les formes de la poésie : la poésie n’a pas de formes, elle n’a que de la poésie… Et peut-être un peu d’intentions.

  4. Pierre dit :

    Bonjour Morgane,Difficile à suivre le sieur Jean-Pierre ! Mais j’aime bien son histoire … pardon, son poème ! Le début part comme une balle !Bonne soirée,PierrePS : merci d’être passé chez moi !

  5. Babel dit :

    se considérer soi-même comme poète n’est pas digne d’un véritable poète.. selon moi, être poète n’est pas 1 statut, mais un art de vivre ! et ce poète qui s’ignore a bien du talent !merci pour la découverte et ce partage..

  6. Solitaire dit :

    Il y a un texte de Ferré qui me fait penser à ce billet…….Malheureusemente l’ai pas en tête là……….

  7. Solitaire dit :

    Ce n’est pas vraiement celui ci que je cherchais,mais……Poète… vos papiers !by Léo FerréBipède volupteur de lyreEpoux châtré de PolymnieVérolé de lune à confireGrand-Duc bouillon des librairiesMaroufle à pendre à l’hexamètreVoyou décliné chez les GrecsAlbatros à chaîne et à guêtresCigale qui claque du becPoète, vos papiers !Poète, vos papiers !J’ai bu du Waterman et j’ai bouffé LittréEt je repousse du goulot de la syntaxeA faire se pâmer les précieux à l’arrêtLa phrase m’a poussé au ventre comme un axeJ’ai fait un bail de trois six neuf aux adjectifsQui viennent se dorer le mou à ma lanterneEt j’ai joué au casino les subjonctifsLa chemise à Claudel et les cons dits " modernes "Syndiqué de la solitudeMuseau qui dévore du couicSédentaire des longitudesPhosphaté des dieux chair à flicColis en souffrance à la veineRemords de la Légion d’honneurTumeur de la fonction urbaineDon Quichotte du crève-cœurPoète, vos papiers !Poète, Papier !Le dictionnaire et le porto à découvertJe débourre des mots à longueur de pelureJ’ai des idées au frais de côté pour l’hiverA rimer le bifteck avec les engeluresCependant que Tzara enfourche le bidetA l’auberge dada la crotte est littéraireLe vers est libre enfin et la rime en congéOn va pouvoir poétiser le prolétaireSpécialiste de la mistoufleEmigrant qui pisse aux visasAventurier de la pantoufleSous la table du NirvanaMeurt-de-faim qui plane à la UneEcrivain public des croquantsAnonyme qui s’entribuneA la barbe des continentsPoète, vos papiers !Poète, documenti !Littérature obscène inventée à la nuitOnanisme torché au papier de HollandeIl y a partouze à l’hémistiche mes amisEt que m’importe alors Jean Genet que tu bandesLa poétique libérée c’est du bidonPoète prends ton vers et fous-lui une trempeMets-lui les fers aux pieds et la rime au balconEt ta muse sera sapée comme une vampCitoyen qui sent de la têtePapa gâteau de l’alphabetMaquereau de la clarinetteGraine qui pousse des gibetsChâssis rouillé sous les démencesCorridor pourri de l’ennuiHygiéniste de la romanceRédempteur falot des lundisPoète, vos papiers !Poète, salti !Que l’image soit rogue et l’épithète au poilLa césure sournoise certes mais correcteTu peux vêtir ta Muse ou la laisser à poilL’important est ce que ton ventre lui injecteSes seins oblitérés par ton verbe arlequinGonfleront goulûment la voile aux devanturesSolidement gainée ta lyrique putainTu pourras la sortir dans la LittératureVentre affamé qui tend l’oreilleMaraudeur aux bras déployésPollen au rabais pour abeilleTête de mort rasée de fraisRampant de service aux étoilesPouacre qui fait dans le quatrainMasturbé qui vide sa moelleA la devanture du coinPoète… circulez !Circulez poète !Circulez !

  8. Morgan dit :

    Cher Solitaire anar, peut-être pensais-tu au texte intitulé "Préface" : " La poésie contemporaine ne chante plus… elle rampeElle a cependant le privilège de la distinction… elle ne fréquente pas les mots mal famés… elle les ignoreon ne prend que les mots qu’avec des gants : à "menstruel" on préfère "périodique", et l’on va répétant qu’il est des termes médicaux qu’il ne faut pas sortir des laboratoires et du codexle snobisme scolaire qui consiste, en poésie, à n’employer que certains mots déterminés, à le priver de certains autres, qu’ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baisemainCe n’est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baisemain qui fait la tendresseCe n’est pas le mot qui fait la poésie mais la poésie qui illustre le motLes écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s’ils ont leur compte de pieds, ne sont pas des poètes, ce sont des dactylographes" Voilà juste un court extrait de ce texte poétique de Ferré qu’on peut trouver sur l’album "Amour Anarchie – vol.VII (1970-1973)" chez Barclay.Jean-Pierre Lesieur, je le confirme, est donc bel et bien un poète !Merci de tes passages, Solitaire anar.

Laisser un commentaire